samedi 18 juin 2011

La belle au bois dormait

 La Belle au Bois dormait

La belle au bois dormait.Cendrillon someillait.
Madame Barbe-Bleue? elle attendait ses frères;
Et le petit Poucet, loin de l'ogre si laid,
Se reposait sur l'herbe en chantant des prières.

L'oiseau couleur-du-temps planait dans l'air léger
Qui caresse la feuille au sommet des bocages
Très nombreux, tout petits, et rêvant des bocages
Semaille, fenaison et les autres ouvrages.

Les fleurs des champs, les fleurs innombrables des champs,
Plus belles qu'un jardin où l'homme a mis ses tailles,
Ses coupes et son goùt à lui,-les fleurs des gens!-
Flottaient comme un tissu très clair dans l'or des pailles.

Les blés encore verts, les seigles déjà blonds
Accueillaient l'hirondelle en leur flot pacifique.
Un tas de voix d'oiseaux criaient vers les sillons
Si doucement qu'il ne faut pas d'autre musique...

Peau d' Ane rentre.On bat la retraite- écoutez!-
Dans les Etats-Unis voisins de Riquet-à-la-Houppe,
Et nous joignons l'auberge, enchantés, esquintés,
Le bon coin où se coupe et se trempe la soupe!

Paul Verlaine

1 commentaire:

  1. Arthur Rimbaud dormait. Verlaine sommeillait.
    Ils étaient là, couchés, tous deux, comme des frères,
    S’en allant explorer un univers moins laid,
    Ou du moins, plus conforme à leurs vives prières.

    Leurs beaux alexandrins planaient dans l’air léger ;
    Les oiseaux les disaient aux arbres des bocages
    Qui prenaient un grand soin à toujours ombrager
    Ces deux poètes nus, allongés sur l'herbage.

    La scène eût pu choquer par quelque crudité ;
    Mais puisqu’elle avait lieu dans cette innocente heure
    Où le monde ne sait que vivre la bonté,
    Nul passant ne trouvait péril en la demeure.

    La barbe de Verlaine et les beaux cheveux blonds
    De Rimbaud se mêlaient en un flot pacifique ;
    Verlaine, ainsi que Booz auprès de ses sillons,
    Rimbaud, pareil à Ruth enivrée de musique,

    Celle que joue un ange en la Bible. Écoutez,
    L’ange n’est pas tout seul, ils sont toute une troupe ;
    Ils ont marché longtemps, leurs pieds sont esquintés,
    Ce soir, Dieu leur devra double ration de soupe.

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